Le suivi de compétences est désormais une réalité pour les cadres supérieurs (IDIV, IP, AFIPA) et les inspecteurs affectés dans les services centraux et structures assimilées.
Pour les chefs de brigade et les vérificateurs, nous n'en sommes encore qu'à la phase d'expérimentation. Celle-ci va durer deux ans et commence dès septembre 2018. La circulaire prévoit que des « ajustements » pourront être apportés au dispositif avant sa généralisation « éventuelle » en 2020.
Pour l'UNSA DGFIP, l'adjectif « éventuelle » est en trop puisque, comme chacun le sait, les expérimentations menées à la DGFIP sont toujours des succès incontestables !
L'expérimentation concerne la DIRCOFI EST et 13 DRFIP/DDFIP (Corse du Sud, Loire Atlantique, Morbihan, Moselle, Oise, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Tarn, Tarn-et-Garonne, Vaucluse, Vendée, Guadeloupe, Martinique).
En conséquence, tous les chefs de brigade et les vérificateurs en poste dans leur service depuis le 1er septembre 2013 vont devoir se soumettre à ce suivi de compétences.
A noter que le dispositif expérimenté dans le contrôle fiscal externe et celui mis en place en administration centrale sont en tout point identique. Sans vouloir minimiser la portée de ce dispositif pour les inspecteurs et les cadres supérieurs des services centraux, nous faisons le choix d'axer nos propos sur l'expérimentation pour les vérificateurs et les chefs de brigade.
Pour l'administration, il s'agit « de reconnaître et de valoriser l'expérience et les acquis professionnels (…). C'est aussi l'occasion (…) d'identifier les besoins en compétences nouvelles, à développer, ou à acquérir pour faire face aux nouvelles exigences du métier. Il s'agit d'une démarche de reconnaissance professionnelle. »
« Ce dispositif s'inscrit dans le cadre d'un management bienveillant et attentif, destiné à accompagner le cadre dans son parcours. »
A l'UNSA DGFIP on aimerait bien y croire mais les nombreux exemples de pratiques managériales agressives nous laissent à penser que cela ne se passera pas comme cela dans la réalité.
Le suivi de compétences offre « à chaque cadre un temps de dialogue (…) pour faire un point complet et approfondi sur ses attentes et sur l'accompagnement dont il souhaite bénéficier pour continuer à exercer un métier évolutif. »
Pour l'UNSA DGFIP, il est important que les agents puissent mettre à jour leurs compétences et leurs connaissances ; qu'ils bénéficient d'une formation initiale et d'une formation continue adaptées aux besoins des métiers.
Nous ne comprenons pas la volonté de l'administration de déconnecter le suivi des compétences de l'évaluation professionnelle. Il nous apparaît totalement absurde d'attendre cinq longues années avant de proposer des solutions de formation à un agent. L'entretien d'évaluation professionnelle reste le moment privilégié pour aborder ces sujets.
On arriverait presque à croire que le chef de service et les agents de son équipe ne se parlent plus !
Ou alors l'administration estime que les chefs de service ne font pas leur boulot au moment des entretiens professionnels, ce qui n'est pas très flatteur pour les qualités managériales des cadres supérieurs.
Ou encore l'administration souhaite par ce biais pousser les agents en difficulté sur leur métier vers des métiers jugés moins techniques, ce qui n'est pas très flatteur non plus pour les autres services de la DGFIP.
Chacun se fera sa propre opinion.
Les modalités du suivi de compétences
Un entretien tous les cinq ans.
Une participation obligatoire étant donné que « l'entretien s'inscrit dans un rapport hiérarchique normal du fonctionnement d'un service ».
Un entretien qui ne doit pas être mené par le supérieur hiérarchique direct mais :
pour les vérificateurs par un responsable de division ou éventuellement un autre chef de brigade de la direction ;
pour les chefs de brigade par l'adjoint du directeur en DIRCOFI, un chef de pôle ou son adjoint en DR/DDFIP, un responsable de division autre que le supérieur hiérarchique.
Un entretien conduit à l'aide d'une trame d'entretien comportant les différentes compétences requises en matière de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être (compétences acquises, en cours d'acquisition, à développer). Ces grilles sont facultatives et peuvent être modifiés par la personne qui conduit l'entretien.
Cet entretien ne donne pas lieu à la rédaction d'un compte rendu et aucune information ne peut être transmise au service des RH.
A l'issue de l'entretien, l'agent peut demander à rencontrer le responsable du pôle RH (vérificateur et chef de brigade) ou le directeur ou son adjoint (chef de brigade). Lors de cet entretien, l'agent pourra être assisté par la personne de son choix.
Comme toujours, le diable se cache dans les détails. Pour le suivi de compétences, cela se résume en quatre mots : « envisager une nouvelle orientation ».
L 'administration veut nous faire croire que cet entretien de suivi de compétences se fera sans pression, dans un franc esprit de camaraderie et surtout en dehors de la présence du chef de service.
Ben voyons ! Mais qui va préparer la trame d'entretien ? Le cadre supérieur en charge de l'entretien, qui ne travaille pas avec l'agent au quotidien , et qui ne l'a peut-être jamais rencontré ? C'est bien sûr le chef de service qui préparera cette trame. Du coup, dans certaines situations, on sera loin du management « bienveillant et attentif ».
Et la finalité est claire et affichée : pousser les agents jugés incompétents à dégager du contrôle fiscal externe et de l'administration centrale.
Bien sûr, cela ne sera pas aussi rapide puisque l'administration, dans sa grande mansuétude, proposera à l'agent « incompétent » des formations pour se remettre à niveau.
La circulaire ne donne d'ailleurs aucun délai au chef de service pour valider l'acquisition des compétences requises pour être un bon vérificateur. : 6 mois, 1 an, 2 ans, 5 ans ? La prochaine campagne de mutation ?
L'UNSA DGFIP voudrait juste resituer ce dispositif dans son contexte. Actuellement, il est de plus en plus difficile d'obtenir une mutation. La baisse des effectifs, les fermetures de services limitent la mobilité des agents. Qu'arrivera-t-il à un agent encouragé, « dans l'intérêt du service », à faire une demande de mutation mais qui ne trouverait pas de point de chute. L'administration ira-t-elle jusqu'à le sanctionner ; son chef de service sera-t-il chargé de lui rappeler chaque jour son « incompétence ».
Il arrive que certains agents arrivent par défaut sur des postes de vérificateurs en privilégiant l'affectation géographique plutôt que l'affectation fonctionnelle.
Mais dans ces conditions pourquoi l'administration, qui est si prompte à modifier les règles de mutation, ne prend-elle pas ses responsabilités en imposant la mutation « au choix » pour les postes du contrôle fiscal externe. Elle sait très bien le faire pour imposer des délais de séjour. La question des compétences des agents du contrôle fiscal serait réglée. Mais cette mesure comporterait peut-être des risques. Surtout, l'administration n'est pas certaine de pourvoir tous les postes de vérificateurs ou de chefs de brigade en raison des contraintes fortes liées à ce métier.
Même si l'UNSA DGFIP pense que ce nouveau dispositif est inutile et redondant par rapport à l'entretien professionnel, nous participerons aux réunions locales organisées pour discuter de la mise en œuvre pratique du suivi de compétences. Et notre objectif sera de mettre en avant les conditions de vie au travail des agents plutôt que l'intérêt du service.